Kula Da Juna : un modèle de visites pré et post-natales en groupe

Le but de cette intervention est de mettre en œuvre un nouveau modèle de soins pré et postnatals en groupe et évaluer son efficacité à contribuer à l’amélioration de la santé maternelle et infantile et le bien-être socioéconomique des femmes. Il s’agit d’un modèle prometteur centré sur la femme tout en l’impliquant dans ses propres soins. Il favorise également le soutien des pairs, le renforcement de la confiance dans les centres de santé et tisse des liens avec des prestataires qualifiés. En moins de deux heures, les femmes établissent un bref contact individuel avec une sage-femme, apprennent à suivre l’évolution de leur grossesse et obtiennent l’appui de leurs pairs tout en échangeant sur la maternité sans risque et la Planification Familiale Postpartum.

Les groupes continuent dans la période du postpartum, apportant du soutien aux femmes et leurs bébés et proposant des méthodes de Planification Familiale. Cette page fournit des informations sur le processus de conceptualisation, de mise en œuvre des activités et d’évaluation du modèle de soins prénatals et postnatals en groupe au Niger. Nous appelons ce modèle Kula Da Juna (KDJ), qui signifie « se prendre soin les uns des autres » en Hausa.

Principe de base

L’accroissement rapide de la population du Niger et l’augmentation des grossesses précoces ont des conséquences sur la vie des femmes et leurs enfants. Malgré ces conséquences, peu d’études ont exploré l’apport des groupes de soins prénatals et postnatals sur l’amélioration de la santé maternelle et infantile en Afrique. Au vu de l’accroissement du nombre de femmes devant recevoir des soins prénatals et du nombre d’accouchements d’ici à 2050 au Niger, tout étude portant sur un nouveau concept ou modèle permettant d’améliorer l’efficacité et la qualité des services de santé mérite une attention particulière.

C’est dans ce cadre que le projet Kula Da Juna sur les soins prénatals et postnatals en groupe est initié. Les soins prénatals et postnatals en groupe constituent un modèle visant à promouvoir la maternité sans risque et la Planification Familiale. Les femmes qui se trouvent dans la période du post-partum comptent parmi celles qui ont le plus besoin des services de planification familiale. En effet, la planification familiale du post-partum (PFPP) permet de prévenir les grossesses non désirées ou très rapprochées durant les 12 premiers mois qui suivent l’accouchement. Elle permettrait d’éviter 30 % des décès maternels et 10 % des décès néonatals si les couples laissent s’écouler plus de deux ans entre deux grossesses (Cleland et al., 2006).

Les soins prénatals et postnatals en groupe représentent une solution pour la qualité des soins en économisant du temps aux prestataires qualifiés grâce au partage des tâches et à la participation des patients. Le modèle pourrait susciter plus d’intérêt des jeunes femmes pour la PFPP en présentant le sujet d’une façon adaptée dans un climat de confiance.

Sur le plan social, le modèle intègre de manière créative dans les soins prénataux et postnatals, l’inclusion et la prise de décision collective qui sont des valeurs essentielles de la vie en communauté au Niger.

 

Soins individuels versus soins en groupe

La conceptualisation du projet est fondée sur un certain nombre de problèmes constatés à plusieurs niveaux et les solutions y afférentes, à travers une approche inclusive et participative.

Limite des soins pré et postnataux individuels

  • Interaction limitée entre la femme et l’agent de santé
  • Manque de soutien nécessaire pendant la grossesse et le post-partum
  • Déficit d’information et d’autonomie sur le nombre d’enfants désirés et l’espacement idéal.
  • Les femmes reçoivent beaucoup de conseils dans peu de temps.
  • Long temps d’attente lors des consultations

Avantages du modèle KDJ

  • Economie du temps contrairement au modèle de la CPNR
  • Format plus détendu pour les femmes : elles sont encouragées à poser des questions et elles sont plus susceptibles de soulever des problèmes préoccupants en groupe
  • Plus grand soutien social des paires
  • Les femmes gagnent de confiance en apprenant à suivre leurs grossesses
  • Les femmes apprennent à se garantir ses droits à la maison : régime alimentaire, charge de travail, autorisations, préférences pour l’accouchement
  • Les femmes surtout les jeunes acquièrent des connaissances et compétences de vie qui peuvent protéger leur santé voire leur vie lors de toutes les grossesses futures…et aussi la santé et la vie de tous leurs futurs enfants.

Défis de la mise en œuvre du modèle KDJ

  • Adopter l’approche de Gestion Axée sur les Résultats
  • Tisser des partenariats stratégiques
  • Promouvoir l’appropriation locale des activités du projet en permettant aux parties prenantes d’en voir la valeur
  • Planification collaborative pour la durabilité et pour le passage à grand échelle
  • Gestion de la logistique complexe sur plusieurs sites
  • Former les prestataires médicaux à devenir des facilitateurs participatifs

Comment apporter le changement avec le modèle KDJ ?

La théorie du changement du projet KDJ suppose que : Quand une femme commence à comprendre la valeur de l’espacement des naissances et qu’elle devient plus informée et plus autonome, elle peut mieux : éviter l’extrême pauvreté, influencer les décisions dans le ménage, contribuer aux revenus du ménage et améliorer sa santé et celle de ses enfants

L’hypothèse principale que nous formulons est que le modèle KDJ contribuera à des améliorations mesurables dans les domaines que sont l’acceptation de la PFPP, l’utilisation des produits contraceptifs modernes et ce, au-delà même des avantages relatifs à la pratique chez les prestataires.

Outre cette hypothèse principale, la recherche visera également à mesurer et à évaluer le changement dans les domaines de santé maternelle et infantile et la capacitation des femmes à négocier avec leurs maris sur le plan reproductif.

Principales phases

La mise en œuvre du modèle KDJ s’articule autour de certaines phases opérationnelles dont la conception, la préparation, le démarrage et le déroulement des activités, le suivi de la mise en œuvre, une évaluation finale et la dissémination des résultats.

Activités du projet

Les activités de ce projet consistent à organiser les femmes en groupe de 15 personnes maximum pour conduire des séances de consultations prénatales et postnatales en utilisant un curriculum qui a été élaboré à cet effet. Ce curriculum contient des séances sur les thématiques standards de consultations prénatales et postnatales adaptées au contexte d’intervention. Sept (7) thématiques ci-dessous sont abordées avec les femmes :

  • Nutrition maternelle
  • Signes de danger pendant la grossesse chez la mère et l’enfant
  • Accouchement au centre de santé
  • Prévention des maladies pendant la grossesse
  • Allaitement maternel exclusif
  • Planification familiale du post-partum
  • Compétences en matière de garde d’enfants et en communication.

 

 

Cible du projet

Le projet Kula Da Juna intervient dans six (6) CSI pour toucher 900 femmes enceintes âgées de 15 à 49. Les six (6) CSI de trois (3) districts de la région de Maradi ayant des sages-femmes facilitatrices éligibles et recevant habituellement plus de femmes en consultations prénatales par mois sont sélectionnés. Il s’agit du CSI 17 portes, CSI Place du Chef, CSI Ali Dan Sofo, CSI Djirataoua, CSI Safo et CSI Tibiri.

Le nombre de femmes bénéficiaires du projet a été déterminé en fonction de ressources allouées au projet et la taille de la population éligible dans la zone d’intervention. La répartition par CSI des participantes aux activités du projet est basée sur le nombre de femmes attendues aux consultations prénatales dans chaque CSI. Les bénéficiaires sont réparties en groupes de 10 à 15 femmes en fonction de l’âge gestationnel. Indirectement, le modèle peut également influencer les maris et les enfants de ces femmes.

Résultats

Les données collectées dans le cadre du suivi/évaluation du projet montrent que les niveaux attendus des indicateurs sont satisfaisants. Les valeurs finales de tous les indicateurs sont largement au-dessus des valeurs cibles. La proportion des femmes utilisant la PF en période postpartum (PFPP) est de 71%, contre une valeur attendue de 50%. Cette valeur est également largement au-dessus du taux national de PFPP qui est de 22% (EDS 2012). Aussi, 100% des sages-femmes formées dans le cadre de KDJ préfèrent l’approche des consultations en groupe et 100% d’entre elles prévoient de continuer à l’utiliser à l’avenir.

Les indicateurs sur les consultations postnatales, le taux d’accouchements assistés et la prévalence PFPP chez les participantes au projet sont élevés dans les différents CSI d’intervention. La couverture de la consultation prénatale varie de 56% (CSI Safo) à 93% (CSI Tibiri). Les taux d’accouchements assistés sont entre 84% (CSI 17 portes) et 98% (CSI Tibiri). Et la prévalence PFPP varie de 56% (CSI Safo) à 93% (CSI Tibiri). Les niveaux des trois indicateurs considérés dépassent largement le seuil de 50% dans tous les CSI d’intervention.

Ce projet est mis en œuvre par GRADE Africa avec l’appui financier de Grand Challenges Canada et Conservation, Food & Health Foundation