Contextualisation ASE

Contextualisation des outils d’apprentissage socio-émotionnel pour les enfants scolarisés au primaire et touchés par le conflit à Diffa

Contextualisation des outils d’apprentissage socio-émotionnel pour les enfants scolarisés au primaire et touchés par le conflit à Diffa

International Rescue Committee (IRC Niger) et GRADE Africa travaillent sur l’adaptation des outils d’apprentissage socio-émotionnel (ASE) au contexte du Niger. Cette étude est en cours avec la collaboration du Ministère de l’Education Nationale (MEN), du Ministère de la Santé publique, de la Population et des Affaires sociales (MSP/P/AS) et du Ministère de la promotion de la femme et de la protection de l’enfant (MPF/PE). Cette étude devrait conduire à la création des référentiels d’activités locales d’ASE adaptées au contexte socioculturel et aux besoins spécifiques des enfants scolarisés au primaire et touchés par le conflit à Diffa. Le but est donc la production, le test, la validation et l’utilisation / vulgarisation des outils ASE contextualisés au niveau des écoles.

Contexte et justification

L’éducation et la protection sont les principaux piliers du bien-être de l’enfant. De ce fait, l’accès universel à un enseignement primaire inclusif et de qualité constitue l’axe transversal aux Objectifs du développement durable (ODD). Parvenir à cet idéal nécessite d’accompagner tous les enfants sans aucune discrimination en agissant à la fois sur leurs propres caractéristiques tout en tenant compte des spécificités des contextes économiques et socioculturels.

Pour les enfants ayant vécu des scènes de persécutions terroristes, l’éducation inclusive suggère de travailler préalablement sur le contenu et sur les intrants pédagogiques dans l’objectif de concilier la situation de ces enfants tourmentés avec le sentiment de normalité, de dignité et d’espoir. Il s’agit de leur proposer un paquet d’activités correctives afin de leur permettre de surmonter des difficultés perturbant la progression des apprentissages et d’éviter, par voie de conséquence, que les lacunes ne s’accumulent et n’altèrent la poursuite des apprentissages ultérieurs (LARTES, 2015). Ces activités doivent être axées sur le développement des aptitudes cognitives, sociales et émotionnelles. Autrement dit, ils doivent bénéficier d’un apprentissage socio-émotionnel (ASE).

L’ASE partage les mêmes jalons théoriques que la stratégie de la remédiation basée sur la « théorie de la pédagogie de la maîtrise » dont Bloom (1979) est la figure de proue. L’une des idées maîtresses de cette théorie est que la maîtrise d’une compétence par un élève dépend du degré d’adéquation entre les opportunités éducatives mises à sa disposition et la guidance dont il a besoin selon ses caractéristiques cognitives et affectives (Romuald, 2006). Ainsi, les mesures des performances scolaires des enfants intègrent leurs éléments cognitifs, leurs compétences de base, leurs ressources socio-affectives et bien d’autres facteurs susceptibles d’impacter l’efficacité et la qualité de l’apprentissage.

Au Niger, en 2016, l’IRC a élargi son approche classroom pour intégrer les possibilités de l’ASE dans l’enseignement de la lecture fondamentale et des mathématiques pour les enfants de la région de Diffa. Située à l’extrême-est du Niger, cette région partage environ 1 500 kilomètres de frontière avec le Nigeria, pays ayant connu, dans la première moitié des années 2000, l’avènement de la secte Boko Haram (signifiant, en langue haoussa, que l’éducation à l’occidentale est illicite). Les assauts de ce groupe terroriste mettent la région de Diffa dans un contexte particulièrement sécuritaire instable.

Entre le 1er janvier et le 30 novembre 2020, 258 incidents sécuritaires ont été enregistrés au Niger causant 89 morts, 50 blessés et 51 personnes enlevées (OCHA, 2021), sans oublier les déplacements massifs des populations fuyant les hostilités. La région de Diffa compte à elle seule plus de 300.000 réfugiés (provenant essentiellement du Nigeria) et déplacés internes du Niger.

Ces situations d’urgence mettent à rudes épreuves les capacités des familles et des communautés à coordonner et à poursuivre l’éducation de leurs enfants. En plus, les enfants vivant dans les zones touchées par les activités terroristes sont profondément affectés par les situations à la fois angoissantes et répugnantes qu’ils ont vécues. Celles-ci peuvent laisser des séquelles durables pouvant les empêcher de s’épanouir et de se développer normalement. En effet, les enfants ont besoin aussi bien des ressources matérielles (nourriture, accès à l’éducation ou aux soins de santé, etc.) que des ressources spirituelles (le sens de la vie, les modèles à suivre, les relations entre pairs, etc.) et affectives (l’amour, la confiance, le sentiment d’acceptation, les bons traitements, etc.) (Unicef Niger, 2010).

Objectifs de l’étude

Les enfants victimes des épisodes de menaces sécuritaires éprouvent des difficultés psychosociales et émotionnelles. Si rien n’est fait dans l’immédiat, ces lacunes risquent de s’accumuler avec le temps et d’hypothéquer la poursuite normale de leur apprentissage bafouant ainsi leur droit à l’éducation.

L’objectif général de ce travail d’adaptation des outils ASE est de corriger les lacunes socio-émotionnelles de cette catégorie d’enfants en explorant une approche innovante tant du point de vue de sa conception que dans ses modalités de mise en œuvre.

Les interventions seront orientées vers le renforcement des capacités de certains acteurs et l’amélioration des aptitudes et attitudes chez des apprenants.

Plus spécifiquement, il s’agit de : (i) Identifier les principales lacunes socio-émotionnelles de ces enfants ; (ii) Elaborer des référentiels didactiques et ludiques pour les corriger en tenant compte du contexte socioculturel et normatif et (iii) Rétablir leurs bases éducatives notamment en lecture (prononciation, accentuation, lecture courante, etc.) et en mathématiques (comptage, addition, multiplication, résolution des problèmes, etc.).

Question de recherche

Cette recherche se fonde sur l’idée que les activités terroristes créent un environnement qui détruit le développement mental, physique, émotionnel et spirituel des enfants. Ainsi, la protection et la problématique des enfants en situation d’urgence sont au cœur du projet. On peut alors se demander :

  • Quels sont les principaux déséquilibres psychologiques et émotionnels dont souffrent les enfants vivant à Diffa et ayant connu des situations sécuritaires épouvantables ?
  • Quels sont les outils pédagogiques, didactiques et ludiques adaptés à leur contexte et à leurs besoins permettent de corriger ces déséquilibres afin d’assurer leur développement harmonieux ?

Les réponses à ces questions produiront un éclairage pour l’adaptation des outils ASE dans le contexte de Diffa.

Mission et finalité

Nous avons déjà élaboré un protocole de recherche qui est présenté et validé par le Comité National d’Éthique pour la Recherche en Santé. Nous conduisons une brève revue de la littérature sur la vulnérabilité du système éducatif classique face aux situations d’urgence. A travers une recherche qualitative, nous conduisons une cartographie des besoins en ASE des élèves dans la région de Diffa. Cette phase sera suivie par une mobilisation communautaire qui permettra d’identifier les acteurs-clefs avec lesquels des échanges préliminaires auront lieu au cours d’un atelier d’analyse en groupe.

Les données collectées permettront d’élaborer une version provisoire des référentiels d’activités locales d’ASE adaptées au contexte socioculturel et aux besoins spécifiques des enfants scolarisés au primaire et touchés par le conflit à Diffa. In fine, des prototypes testés, validés et transformés en graphiques pour une utilisation au niveau des écoles.