Preuves de pertinence d’un paquet intégré : autonomisation des
femmes, équité de genre, accès à la planification familiale et nutrition

 

Apports quantitatifs

Résumé exécutif

Dans le cadre de la mise en œuvre du Plan de Repositionnement de la Planification Familiale (PF) au Niger, Population Services International (PSI) a bénéficié d’un financement de la Fondation Bill & Melinda Gates pour mettre en œuvre un paquet intégré et évolutif d’activités visant à améliorer simultanément l’autonomisation des femmes, l’équité de genre, l’accès à la PF et la nutrition dans le cadre des jardins gérés par les femmes au Niger. Ce paquet d’activités a été mise en œuvre sous le label du projet Room To Grow. L’intervention a couvert les départements de Mirriah, Gouré et Kantché dans la région de Zinder. Vingt (20) villages ayant des jardins communautaires ont été touchés, dont dix (10) comme sites d’intervention et dix (10) comme sites témoins.

L’objet de notre travail est d’examiner la pertinence de ce concept de solutions intégrées rassemblant des approches synchronisées hommes-femmes, l’approvisionnement à base communautaire des produits de PF et la promotion des meilleures pratiques nutritionnelles en utilisant la technique de double différence.
Sur le plan méthodologique, l’évaluation utilise les approches qualitatives et quantitatives (mixte). Avant et après la mise en œuvre du projet, deux opérations de collecte ont permis de dresser le bilan des situations initiales (Baseline) et finales (Endline) des communautés ciblées sur le plan de l’équité de genre, l’accès à la PF et la nutrition. Entre ces deux opérations, une étude ethnographique a accompagné l’implantation et la mise en œuvre des activités. Le recours à la méthode de double différence suppose que les principaux indicateurs de nutrition, de genre et de planification familiale évolueraient de la même manière dans les groupes d’intervention et témoins en l’absence de toute intervention. A partir d’un échantillonnage stratifié à deux degrés, 628 femmes âgées de 15-49 ans ont été enquêtées dont 313 dans les sites d’intervention et les autres dans les sites témoins. Le tirage a concerné au premier degré 20 villages (10 d’intervention et 10 témoins) avec probabilité proportionnelle à la superficie des jardins. Au second degré, 30 femmes ont été systématiquement tirées dans chacun des villages.
Les principaux résultats portent sur la situation sociodémographique des communautés (caractéristiques des femmes, des maris et des ménages) ainsi que l’évolution des indicateurs de la planification familiale, de l’équité de genre et de la nutrition (indicateurs d’effet et d’impact du cadre logique du projet). Il ressort globalement que des progrès notables ont été enregistrés dans la zone d’intervention comparativement à la zone témoin, surtout en matière de planification
familiale et de nutrition. Les avancées en matière d’équité de genre restent mitigées : si la participation de la femme à la prise des décisions au sein des ménages s’est améliorée, la perception de la répartition traditionnelle des rôles et le dialogue conjugal sur certains aspects de la vie n’ont pas connu de changements significatifs.
L’intervention du projet a amélioré de manière significative l’accès à l’information sur la planification familiale et l’utilisation des méthodes contraceptives modernes chez les femmes. La proportion de femmes ayant bénéficié de conseils en matière de PF a nettement augmentée (DD = 16,6% ; p = 0,003). Conséquemment, l’utilisation des méthodes contraceptives modernes a connu un bond significatif (DD = 4,7% ; p = 0,000). Les activités du projet ont surtout suscité l’engouement des femmes à essayer de nouvelles méthodes contraceptives. Comparativement aux sites témoins, la proportion de femmes ayant l’intention de recourir à la contraception a significativement augmenté dans les sites d’intervention du projet (DD = 7,2% ; p = 0,001). Les travaux qualitatifs confirment ces résultats. En effet, il est établi que la perception de la PF a beaucoup changé dans les villages d’intervention. Pour plusieurs raisons, les femmes et hommes en ont une bonne perception. Les populations mentionnent le plus souvent des arguments sanitaires mais aussi socioéconomiques pour justifier leur adhésion à la PF. Les jeunes hommes sont particulièrement très convaincus par les raisons sanitaires et économiques.
La deuxième dimension dans laquelle les interventions du projet ont eu des effets significatifs est l’équité de genre. En effet, la participation des femmes à la prise des décisions au sein du ménage a connu une amélioration significative (DD = 0,16 ; p = 0,001). Aussi bien dans les décisions en matière d’achats ou de ventes des biens que dans les discussions relatives à leur santé et à la gestion de leurs propres revenus, les femmes des sites d’intervention ont un large avantage que leurs consœurs des sites témoins. Les avancées en matière de communication au sein du couple (DD = 0,10 ; p = 0,212) et d’adhésion à la répartition traditionnelle des rôles (DD = – 0,30 ; p = 0, 175) ne sont pas significatives. Les conclusions des analyses qualitatives confortent les avancées de la participation des femmes à la prise des décisions au sein des ménages. Les animations conduites par les leaders religieux et les relais communautaires ont en général favorisé les échanges au sein des couples. L’apport des prêches sur l’importance de la concertation entre le mari et sa femme semble avoir joué un rôle crucial dans le changement de comportements des hommes. L’adhésion de ces derniers aux nouveaux messages explique en partie un élargissement de l’espace d’expression pour les femmes (gestion de la production, approvisionnement des ménages, achats et ventes des biens, etc.).
Les activités du projet n’ont pas eu d’effets significatifs sur la situation nutritionnelle des communautés dans la zone d’intervention. La composition de la ration alimentaire des femmes est quasiment restée stable comme le montre l’évolution du score moyen de diversité alimentaire (DD = 0,20 ; p = 0,172). Toutefois, au cours de la mise en œuvre du projet, les femmes des sites d’intervention ont acquis une meilleure compréhension de l’importance de diversifier son alimentation (DD = 4,8% ; p = 0,004). Les analyses qualitatives expliquent ces écarts entre la connaissance et le comportement par un accès difficile à une alimentation diversifiée. Dans presque tous les villages, les relais communautaires ont mentionné la période de démarrage du projet comme une limite à l’amélioration de la diversité alimentaire. En effet, la période de mise en œuvre du projet correspond davantage à la saison des travaux dans les jardins qu’à celle de la récolte des produits maraichers.

Couplées aux analyses qualitatives, les conclusions de ce rapport soulignent la complexité des réalisations dans le cadre d’un projet à plusieurs composantes. Le projet Room To Grow a permis d’améliorer l’accès à l’information sur la PF et l’utilisation des produits contraceptifs modernes. Par contre, sur le plan d’équité de genre et de nutrition, les effets du projet restent nuancés. D’une part, les thématiques qui relèvent des valeurs sociales comme la répartition traditionnelle des rôles et les habitudes alimentaires n’ont pas fondamentalement évolué. D’autre part, les thématiques liées à l’accès aux ressources/informations (achats et ventes des biens, informations sur la PF, connaissance de l’importance de la diversité alimentaire, etc.) ont connu des avancées significatives.
Les résultats atteints par ce projet l’ont été au cours de huit (8) mois d’intervention. Pour un succès sur l’ensemble des composantes du paquet intégré, y compris sur les thématiques relevant des valeurs, nous recommandons une durée plus longue pour la mise en œuvre des activités.